Exposé Préliminaire

 

"La pub est une charogne qui nous sourit".

C'est sous ce titre que fut publié en 1995 le bouquin réjouissant, à défaut d'être génial (ça part bien, mais ça s'essouffle vite...) d'Olivero Toscani, le trublion quasi-institutionnel de la "Communication".

Le premier chapitre s'ouvre sur une proposition radicale : l'ouverture d'un procès pour crimes contre l'humanité où seraient traînés les responsables du grand naufrage intellectuel baptisé "publicité".
Bonne idée, non?

Alors, autant s'atteler sans tarder à la tâche, et commencer à rassembler méthodiquement les pièces à verser au dossier d'instruction.

Laissons résolument de côté le menu fretin, les atteintes au bon goût, aux valeurs, aux moeurs, et autres pièges à nigauds.
Pas la peine d'en rajouter dans le futile : le vivier des "spécialistes en communication" regorge déjà d'avis lénifiants sur ces thèmes, ânonnés par des poireaux lobotomisés célébrés comme des gourous ou par des crétins pyramidaux consultés comme de modernes Oracles de Delphes.

A ce titre, les polémiques sans fin sur les "scandales" des pubs Benetton sont en passe de devenir l'archétype du débat-à-propos-de-la-forme-du-doigt-alors-même-que-le-sujet-est-la-lune.

Toute tentative de décryptage des images "inacceptables" tombe irrémédiablement dans le panneau néo-situationniste brandi par Toscani, pourtant reniflable à cent mètres (même par grand vent).

La part la plus intéressante des campagnes Benetton se trouve sans conteste dans les images qui ne font PAS scandale : cadavre ensanglanté dans les rues de Palerme, carcasse de voiture piégée après l'explosion, grappes de refugiés albanais accrochés aux superstructures d'un cargo pourri...

Il y a plus à lire dans l'absence de réaction face à l'association de ces images de violence ultime et d'un "message commercial" que dans les cris d'orfraies de la Confrérie des Dames Patronesses devant un étalon en action...

Pourtant, il apparait clairement qu'au delà des "achetez Truc", "buvez Machin", "roulez Chose", "mangez Bidule", le seul message qui compte dans les écrans et les pages quadrichromes est bien un encouragement permanent à la résignation, voire à l'anesthésie : "Le monde est laid, c'est bien triste, mais on n'y peut rien, alors oublions tout cela en nous goinfrant de toutes ces clinquantes verroteries qu'on peut même acheter à crédit, et puis voilà..."

C'est au travers de ce prisme qu'il convient de regarder minutieusement la Communication Mercantile Servile (la "pub", si vous préférez...).
Elle cesse alors d'être "un espace de liberté, de créativité, de fantaisie" pour apparaitre en pleine lumière pour ce qu'elle est vraiment : un pathétique paravent aux couleurs criardes sans cesse déployé pour masquer sous le rêve en toc la brutalité endémique de l'ordre néo-libéral.

Le temps est venu d'affirmer résolument "Ya Basta" à la face des besogneux suceurs de bites des grands argentiers de la barbarie institutionnelle, au nez des "créatifs" qui confondent barbapa à la guimauve et perspective historique.

Il est temps de claquer le museau de l'arrogance de ce vaste troupeau de demeurés ayant pour tout bagage une queue de cheval, deux boucles d'oreille et trois neurones.

Que tous ces petits moins que rien, peu pressés de bosser vraiment, se préoccupent d'assurer par tous les moyens la pérennité de leur petit racket ne nous empêche pas vraiment de dormir.
Ne dit-on pas qu'il n'y pas sots métiers?
Et s'il se trouve encore des imbéciles fortunés disposés à entrenir ces parasites qui sont à la créativité ce qu'un fishstick mal décongelé est au gratin de flétan aux morilles, parfait, même les cons ont droit au bonheur!

Mais bordel, qu'ils arrêtent de poser en figures de référence de la culture de cette fin de siècle, qu'ils cessent de s'entredorer la pilule devant tout le monde, c'est inconvenant,.
Qu'ils cessent d'avilir le vocabulaire et s'exclamant "C'est génial, fantastique, fabuleux!" chaque fois que l'un d'entre eux réussit à aligner cinq mots sans faute de syntaxe.

Il est temps qu'ils prennent l'exacte mesure de leur rôle : ils sont des petits rats serviles et frileux, qui ont choisi le bon côté du manche et ont échangé, in illo tempore, leur dignité humaine contre un plat de lentilles.

Il est temps qu'ils cessent de se pavaner sur les podiums, qu'ils arrêtent de remettre des "prix d'excellence" aux plus flagrantes manifestations de leur incommensurable bêtise, et qu'ils adoptent enfin la seule attitude qui s'impose : raser les murs, fermer leur gueule, et cesser d'emmerder le monde à coup de "moi, génie, je...".

Nous rêvons parfois au grand soir de l'humilité retrouvée, où spontanément, ces laquais veules et complaisants trouveraient le courage de se jeter à nos pieds, à genoux, la corde au cou, la tête couverte de cendres, implorant notre miséricorde pour nous avoir si longtemps pris pour des cons.

Mais le vin des collines de Toscane ne nous embrume jamais l'esprit au point de croire cette scène possible.

Alors, autant passer à l'offensive, en mesurant parfaitement la dimension donquichottesque de l'entreprise, mais le coeur serein.

Pour parler franchement, nous doutons que cette initiative réussisse à faire autre chose que quelques légères griffes dans la peinture métallisée de leurs impériales certitudes.

Mais comme le rappellait avec à propos André Breton, la révolte n'est pas subordonnée à un quelconque espoir d'aboutir à un changement, elle porte en son essence sa propre justification.

Alors, allons-y joyeusement!
Brandissons fièrement le bazooka de nos sarcasmes et pointons-le sans remord sur l'inratable cible de leurs egos hypertrophiés.

Tout simplement parce que cela défoule.

Parce que c'est un exutoire idéal à la mauvaise humeur atrabiliaire suscitée par l'agression permanente de leurs misérables petits cacas polichromes. ("L'infini mis à la portée des caniches", comme dirait l'autre...)
Et il n'est pas bon d'accumuler la rancoeur.
On finit par devenir grincheux...

Alors, à l'assaut, l'âme sereine et légère.
Et pas quartier!


 

DOSSIER D'INSTRUCTION (archives)

  

 


^ ^^ ^^^ ? @
Revenir à la
Galerie / Agora
Consulter l'Atlas des promenades Quitter
la Vieille Ville
Explorer
au hasard
Nous écrire
un mot doux