La seule chose que le vieux Walter regrettait c'était de ne pas avoir eu le temps de modifier son testament. Tout s'était passé si vite!
Il avait perdu connaissance et quand il avait rouvert les yeux, il avait découvert cette chambre dans laquelle il était prisonnier depuis six semaines déjà.

Le temps devait sembler long à Jérôme. Il lui téléphonait régulièrement pour "prendre de ses nouvelles" comme il disait:

-Allô Papa? C'est moi! Quelles sont les nouvelles?

Cette voix enjouée qui dégoulinait d'hypocrisie, ce ton sirupeux qui sonnait faux... Il ne pouvait plus les supporter.

Il aurait dû léguer toute sa fortune à Léna, la fille de la pute qui lui avait refilé cette saloperie de syphilis (ou plus exactement de syphilide pustuleuse).

D'ailleurs, elle était peut-être sa fille, après tout. C'était dans l'ordre du possible puisqu'il s'était envoyé Marilyn pendant une bonne vingtaine d'années...
Mais il était trop tard pour changer le cours des choses.
Il allait mourir bientôt, il le savait, et Jérôme hériterait du château.
Il revendrait probablement le bateau (il l'appelait "le bateau" mais c'était un yacht) et la collection de tableaux.

Les tableaux, Walter s'en foutait.
Il n'avait jamais aimé la peinture et n'avait jamais compris comment sa femme pouvait rester des heures sans bouger, à regarder des taches de couleur.
Mais il était triste pour le bateau.