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fragile

Plongé dans ses pensées, Ben découpait distraitement le foie dilaté d’un alcoolique parti trinquer avec les anges.

A plusieurs reprises, il faillit lâcher son bistouri, tant il avait du mal à se concentrer sur son travail qui lui paraissait de plus en plus pesant et ennuyeux.
Au fond de lui-même, il savait pourtant que son boulot n’était pas la seule cause de ce mal-être qu’il éprouvait depuis quelques temps.
Il n’aimait pas cette expression "mal-être" mais il l’avait lue par hasard dans un vieux magazine de Susan qui traînait dans leur chambre…

Il avait dû se rendre à l’évidence : il avait tous les symptômes décrits par l’auteur de l’article. Et pourtant, il était amoureux.
Ou fallait-il dire "et en plus, il était amoureux" ?

La vérité, c’était qu’il ne savait plus où il en était.

Il pensait sans cesse à Alexandra et en même temps cet amour était comme un trou noir qui menaçait de l’avaler.

Il pensait à Susan aussi, la pauvre Susan. Il pensait à Jannings.

Il imaginait Jannings tenant dans ses bras Zoé, Zoé sa petite sœur morte par sa faute, sa faute à lui, Ben, Ben l’assassin, Ben le salaud prêt à tromper sa femme.

Alexandra ne voudrait sûrement jamais d’une ordure comme lui.
Il en était bien conscient. Et pourtant, il espérait stupidement, honteusement, irrésistiblement, qu’elle l’aimait, elle aussi, secrètement. Il fallait qu’il sache.

 

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