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Roberto devait la vie à une capote trouée, un vice de fabrication qui aurait pu rapporter des milliers de dollars à sa mère, si elle avait pu prouver les faits. Elle n'envisagea d'ailleurs pas de le faire, puisqu'à l'époque ça ne se faisait pas et qu'elle voyait cette grossesse comme une punition du Ciel, ainsi qu'elle le lui avait expliqué à maintes reprises dès qu'il fut en âge de comprendre.

Son enfance lui sembla interminable.
Sans doute était-ce dû à son impatience de grandir et de devenir quelqu'un, un homme talentueux et fort qui le vengerait de tout le mal qu'on lui avait causé.
En attendant, les jours étaient longs comme des semaines et chaque année dura un siècle, une centaine d'années d'humiliations, de malentendus, de cruels coups du sort.

L'événement le plus tragique de cette triste période de sa vie fut, sans conteste, la mort de son chien (en fait celui de son frère, mais c'était Roberto qui s'en occupait).
Ce jour là, il passa les premières heures de l'après-midi en retenue, pour avoir malencontreusement envoyé un ballon dans la figure de la directrice (dont il savait bien pourtant qu'elle était toujours à rôder dans la cour, pendant la récréation, à l'affût d'un gosse à punir).

En rentrant de l'école, il vit de loin, allongée sur le troittoir devant sa maison une forme noire et rougeâtre, qu'il prit pour son sac de sport.
En s'approchant pour le ramasser et le ranger dans la remise, il réalisa son erreur. C'était Fido. Fido immobile, Fido qui ne se leva pas pour courir à sa rencontre.

 

 

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