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Le corps du docteur Jannings était allongé sur la table d'autopsie, encore emballé dans sa housse en plastique, conformément à l'usage.
Ben tira lentement la fermeture-éclair et le visage familier de son confrère lui apparut. Malgré la rigidité cadavérique, il dégageait une impression de calme et sa bouche paraissait esquisser un sourire.
Ben s'attendait presque à le voir se relever et à l'entendre dire:- Alors mon vieux? Pour une surprise, c'est une surprise, hein?
La morgue était toute sa vie.
Il était content d'y revenir une dernière fois, avant de se retirer dans le caveau familial des Jannings où l'attendaient des parents qui ne l'avaient jamais compris et un frère qu'il n'avait pas eu le temps de connaître.
Finalement, il n'en voulait pas trop au type qui lui avait enfoncé cet horrible couteau dans le coeur...![]()
Il n'aurait jamais cru que ça puisse faire aussi mal.
Il n'aurait jamais cru non plus qu'il mourrait de cette façon.Il n'avait jamais vu cet homme.
Il ne lui avait rien fait.
A moins qu'il ait fait quelque chose sans même s'en rendre compte.
Mais quoi?Pendant vingt ans, il n'avait fait que travailler.
Il ne s'intéressait à rien d'autre qu'aux gestes précis et calculés qu'il accomplissait jour après jour, avec une dextérité et une rapidité croissantes.
Il aurait presque pu, ces dernières années, faire ses autopsies les yeux fermés, d'une seule main, en faisant mentalement sa liste de courses.Certains parlaient de génie... mais il ne les croyait pas.
Il savait bien que son "talent" (il détestait ce mot) n'était que le résultat d'un travail obstiné, d'une frénésie qui frôlait la folie.
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