C’était le jour de son douzième anniversaire.
Sa mère l’avait emmenée dans un salon de thé.

Il y avait, Carmella s’en souvenait, des nappes roses sur les tables, une musique doucereuse qui s’échappait d’invisibles haut-parleurs, des gâteaux qui tournaient inlassablement sur leur présentoir mobile...

Sa mère se pencha vers elle et lui dit :

-Tu es une grande fille, maintenant, tu as le droit de savoir la vérité.

C’était comme si le temps s’était arrêté ce jour-là, dans ce salon de thé. Toute sa vie était là, enfermée dans cette journée lointaine qui lui semblait parfois irréelle, un cauchemar qu’elle aurait fait, un incident dont elle exagérait l’ampleur, une scène banale...

Et pourtant une angoisse sourde la rongeait, une peur qui la réveillait la nuit et troublait son sommeil quand elle parvenait à dormir.

Elle avait des visions de Marbella mort, dans sa blouse de chirurgien, les cheveux mouillés, Marbella qui riait de son rire de hyène en se penchant à son chevet.
Marbella lui disant que c’était elle qui l’avait tué et qu’elle ne s’en souvenait plus.