L'étymologie donnait raison à Chris Winter: le mot "travail" vient du latin "tripalium" qui désigne un instrument de torture constitué de trois pieux.

N'était-ce pas pure barbarie que d'obliger les gens à peiner, parfois durement, pour avoir le droit d'exister? Et ce, dans un monde où le travail se faisait de plus en plus rare? Chris Winter le pensait.
Il avait l'impression d'être né beaucoup trop tôt, dans une société encore préhistorique et peuplée de grands singes en costumes.
Des singes qui se battaient, se volaient et s'entretuaient parfois pour une femelle ou une poignée de billets verts. Et c'était là qu'il intervenait, mandaté par le mâle dominant qui dirigeait la boîte.

Un jour (mais hélas, il ne vivrait pas assez longtemps pour le voir), son travail serait exécuté par un androïde infatigable.
Il rêvait parfois de ce successeur aux cheveux synthétiques et au regard impénétrable, promenant sa silhouette bionique sur les lieux des crimes futurs. A la pensée que des gens pas encore nés s'assassineraient demain, il éprouvait une sensation bizarre, comme un léger vertige.

C'était le genre de choses qu'il aimait imaginer quand on lui en laissait le temps, en ces rares journées de paresse autorisée, quand la vie reprenait ses vraies couleurs.