Fido était un gentil labrador qui ne demandait qu'à être heureux. Quand il eut atteint sa taille adulte, il fut interdit de séjour dans la maison.
Pendant que Roberto était à l'école, il passait ses journées dans le jardin, attaché à un piquet, avec une vieille balle en mousse pour seule compagnie.
La nuit, il dormait dans une niche, que Roberto avait tenté de rendre confortable et attrayante en y disposant un coussin et une vieille couverture.

Comme la plupart des chiens, il avait des yeux tristes et humides, mais chez lui, cette mélancolie paraissait authentique. En tout cas, elle était justifiée. Mais il n'aboyait jamais pour se plaindre, la mère de Roberto lui ayant inculqué le silence à coups de pied et de balai.
Elle avait assez de boulot comme ça avec ses gosses et le ménage pour supporter les caprices d'un animal.

Certaines nuits d'hiver, quand il faisait froid dehors et que tout le monde dormait, Roberto se glissait silencieusement dans le jardin. Il détachait Fido et à pas de loup, ils regagnaient sa chambre. Fido se couchait sur le lit, à ses pieds, le museau entre les pattes, et gardait ouverts ses grands yeux tristes jusqu'à ce que Roberto s'endorme. Il semblait vouloir lui dire quelque chose comme "tant qu'on sera tous les deux, ils ne pourront pas nous rendre malheureux" et qui dans son langage de chien se traduisait par un petit gémissement discret et tendre.