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En rentrant chez lui, Roberto claqua violemment la porte et salua d'une voix forte les cafards qui partageaient sa vie. Depuis qu'il avait renoncé à tenter vainement de les exterminer, il leur parlait. Il se sentait des affinités avec ces insectes coriaces, nocturnes et répugnants. Il admirait leur rapidité et le mouvement gracile de leurs antennes frémissantes. Il avait le sentiment qu'une insolence perfide, un profond mépris du genre humain les habitait.
Un gros foncé (un vieux mâle probablement) se payait une sieste sur la table basse du salon. Quand Roberto avança la main pour le chasser, il avait déjà disparu.
Certains soirs, Roberto avait envie de disparaître lui aussi dans un recoin sombre où personne ne viendrait le déranger. Parfois il se demandait ce qui le maintenait encore en vie, lui qui avait tout perdu, excepté cet appartement minable et triste où le soleil, malgré ses efforts, ne parvenait pas à entrer. Un stupide instinct de conservation, peut-être. Ou alors, l'espoir tout aussi idiot qu'un jour les injustices qu'il avait subies seraient réparées.
Dans ses moments de lucidité, il comprenait qu'il ne pouvait compter que sur lui-même et non sur un hypothétique revirement du destin. Il n'avait jamais eu de chance, contrairement à son frère, une vraie vedette à l'hôpital, adulé par les infirmières qui prononçaient son nom avec une admiration teintée d'excitation sexuelle: "Le Docteur Marbella est en salle d'op... Non, le Docteur Marbella ne peut pas vous recevoir en ce moment... Vous avez-vu la nouvelle voiture du Docteur Marbella?..." et ainsi de suite.
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