Il passait ses après-midi seul sur le pont dans sa chaise longue, avec un polar. De temps en temps, il levait les yeux et observait les dauphins qui bondissaient et jouaient avec une gaieté presque humaine. Puis il se replongeait dans ses histoires de meurtres.

Quand le soleil commençait à rougir au fond du paysage, c'était l'heure de l'apéro. Joseph lui apportait sa bouteille de Glennfiddish et des zakouski qu'il grignotait en attendant la tombée de la nuit. La plupart du temps, il dînait seul, assis à la grande table de la salle à manger.

Quand il se sentait d'humeur à discuter avec le personnel, il invitait le vieux Joseph à partager son repas. Parfois ils jouaient aux cartes jusqu'aux petites heures, en terminant la bouteille de Glenn.

Il aimait cette sensation de tanguer à l'unisson du bateau quand il regagnait sa cabine en zigzaguant dans les coursives. Il dormait sans rêver et se réveillait le lendemain midi.

Toutes ses journées se ressemblaient quand il était en mer et pourtant il ne s’ennuyait jamais. Le sentiment d’être au bout du monde, loin de cette société qu’il détestait de plus en plus, suffisait à son bonheur.

Il aurait dû tout laisser tomber à quarante ans et passer le restant de sa vie en mer. Il aurait pu se le permettre. Mais il n'avait jamais pu faire taire cette petite voix en lui qui lui soufflait des opportunités, des coups à monter, du fric à gagner...