Bruxelles, deux annees avant l'an 2000
Bruxelles, deux annees avant l'an 2000

Bruxelles, Belgique, mai 1998.
20 mois encore avant l'an 2000...

Pour un week-end, la Ville est revenue à un de ses rôles les plus abstraits : "le siège des institutions européennes".
Chefs d'état et de gouvernements sont pour deux jours rassemblés pour visser les derniers boulons de la mise en oeuvre de l'euro, devant 3000 journalistes.

Ils ne risquent pas d'être dérangés.
Du vendredi 17:00 au lundi 07:30, normalement, le "district européen" est absolument vide. Un des particularisme de cette ville invraisemblable que les errements urbanistiques et la cupidité immobilière ont transformée en un monstrueux cut-up.
Et ça peut être plus spectaculaire encore. Avec une grève des fonctionnaires européens le jeudi et un jour férié le vendredi, les pigeons du rond-point Schumann peuvent remercier le Comité des Fêtes du Conseil : sans cette initiative en Mondiovision, ils en avaient pour quatre jours à arpenter un no man's land.

Une fois les accessoires de l'eurocarnaval rangés dans les malles, Bruxelles et la Belgique retourneront à leur divertissement favori : la contemplation morbide de la décomposition finale d'un Royaume d'opérette dont finalement, tout le monde se fout, y compris ses habitants, un fossile d'état-postiche, sous-produit baroque de la géostratégie de l'Europe des Nations du 19e siècle.
Un assemblage sans queue ni tête, retaillé tant de fois qu'à côté, Frankeinstein semble avoir la peau de Leonardo Di Caprio bébé.

L'ambiance évoque irrésistiblement la chute de Byzance.
Derrière "l'affaire Dutroux" pointe le rejeton monstrueux des deux mamelles auxquelles cet Etat-croupion s'est toujours gavé comme un porc : le corporatisme et la cupidité.
Une faillite sud-américaine des "institutions", un délitement complet et vraisemblablement irrémédiable de l'Etat.
Une implosion lente, interminable.

La situation évoque furieusement un éléphant coincé dans un ascenseur bloqué entre deux étages.
Tandis que les habitants de l'immeuble râlent dans la cage de l'escalier de secours, le seul débat qui fasse rage est "Faut-il d'abord dégager l'éléphant, ou se préoccuper en priorité de décoincer l'ascenseur?"
Ca dure depuis 20 mois.
L'ascenseur rouille.
L'éléphant est cliniquement mort.
Les habitants montent et descendent la cage d'escalier des ballons blancs à la main, mais se sont accommodés de l'absence d'ascenseur comme ils se sont arrangés avec le reste depuis toujours.

Une trentaine d'années ont passés depuis Debord et la dénonciation des accords de Breyton Woods.
La course effrénée vers l'abysse se poursuit, et les collisions sémantiques se multiplient.
Sur les écrans de la Société Du Spectacle Gobale®, le théâtre d'ombres et d'ectoplasmes politique dénommé "Belgique" fait relâche, le temps d'un week-end de représentation de l'euro-circus.
Avant de nouvelles représentations de sa création infernale, un genre appelé à un futur extrêmement brillant : le vaudeville interactif.

Devant ce qui serait un épouvantable carnage si le ridicule tuait, assis sur son nuage de Ganja Céleste, Fela Anikulapo Kuti sifflotte encore et toujours : "I must look & laugh..."

 

 


^ ^^ ^^^ ? @
Revenir à la
Place de l'Horloge
Consulter l'Atlas des promenades Quitter
la Vieille Ville
Explorer
au hasard
Nous écrire
un mot doux